Si le hall du Grand Conseil n’avait pas été aussi bruyant des conversations menées dans chaque recoin ni du bruit des divers engins magiques, on aurait pu entendre claquer lourdement les semelles en caoutchouc des baskets d’une petite bonne femme rousse qui remontait le couloir d’un air sombre. Les sourcils froncés, mâchonnant l’intérieur de ses joues, mauvaise manie comme le dirait si bien sa mère, Jenna fulminait tandis qu’elle avançait pour rejoindre les ascenseurs. À l’intérieur de son poing serré, une lettre officielle à son adresse faisait triste mine tellement son agacement avait froissé le papier.

Une convocation… À elle… Ici… Au Grand Conseil ! Non mais sur quelle planète on l’avait téléporté pendant son sommeil pour recevoir ce genre de chose ? Au département du Contrôle des Objets et Trafics illicites encore en plus ! Encore un coup de cette peau de Scrout à pétard qui lui servait de directrice… Surtout que pour une fois, elle était quasi-sûre de n’avoir rien à se reprocher… Quasi-sûre… Oui bon ok, peut-être… mais alors peut-être qu’elle traficotait des objets que le Gouvernement n’apprécierait pas de voir traîner entre les mimines de jeunes et innocents sorciers mais... Hey ! Elle avait fait gaffe ! Tout le matos commandait à la rentrée pour sa discipline n’avait rien d’illégal ou d’interdit par leurs stupides lois ministérielles. Et elle planquait toutes ses petites inventions dans un coffre au fond de son atelier de classe. Non, à tous les coups, l’autre renfrognée l’avait dénoncé au hasard et v’là qu’elle devait montrer patte blanche devant les gigolos du Grand Conseil. Le monde sorcier ne tournait décidément plus rond.

La cabine ne mit pas longtemps à arriver et la jeune sorcière du laisser descendre un certain nombre d’individus avant de pouvoir se faufiler à l’intérieur. Elle n’eut même pas à presser le bouton de l’étage qu’elle souhaitait rejoindre, un groom s’en chargea pour elle. Durant le temps de l’ascension ou descente, en fait elle ne savait pas vraiment dans quel sens allait l’ascenseur, elle n’ouvrit pas la bouche et fixa les portes en tapotant ses doigts contre ses bras croisés. Elle ne connaissait pas encore la sénatrice qui était chargée du département auquel elle se rendait et n’était même pas sûre d’avoir à faire avec elle mais si jamais c’était le cas, elle n’allait certainement pas se laissait impression par son grade dans la profession et ne se gênerait pas pour lui balancer le fond de sa pensée.

La sonnerie indiquant l’immobilisation de la cabine retentit juste avant que les portes ne s’ouvrent. Jouant des coudes pour sortir, Jenna se faufila hors de la machine et s’arrêta deux secondes dans le couloir, le temps de vérifier qu’elle n’avait rien laissé derrière elle et rajustant au passage sa sacoche devant elle. Elle aurait certainement pu faire plus d’effort au niveau vestimentaire mais ce n’était pas son genre de s’habiller en fonction des gens à qui elle avait à faire. On la prenait comme elle était ou on ne la prenait pas mais il était hors de question qu’elle se déguise pour bien paraître. C’est donc vêtue d’un pantalon cargo ajusté, d’un T-shirt Star Wars et d’un sweat zippé bleu pétrole que la petite sorcière se dirigea vers son but. Le local sur lequel elle déboucha n’était pas très grand mais étonnement lumineux, merci la magie ! Elle repéra rapidement le bureau derrière lequel devait se tenir la secrétaire ou une personne qui devait faire office de…

« Vous ! C’est inadmissible… Appelez-moi le responsable tout de suite ! Une convocation… Non mais… Vous me prenez pour qui ? Une criminelle ? Je commence vraiment à en avoir marre de vot’cinéma ! » hurla-t-elle, un doigt accusateur pointé sur le pauvre personnel présent.

Après son entrevue avec Merlin, Sophie avait beaucoup réfléchi à la situation à Beauxbâtons et ne pouvait tolérer que des ouvrages d’hybrides soient confisqués, lorsqu’ils n’étaient carrément pas détruits, en raison de l’origine ethnique de leurs auteurs et que des tensions, voire des révoltes, éclatent au sein de l’établissement magique entre élèves pro et anti-hybrides. Evidemment, Sophie blâmait le consul et son apparente alliée la directrice de Beauregard d’insuffler cette haine des hybrides, voire de l’encourager et de l’exacerber, à de jeunes esprits encore influençables. Si de tels comportements sortaient de l’académie et se répandaient à l’extérieur, il y avait vraiment de quoi s’inquiéter pour le futur de la société sorcière…

Ignorant si certaines personnes au sein de l’académie Beauxbâtons avaient déjà agi, mais sachant, grâce à Merlin, qu’au moins un membre du personnel enseignant n’avait pas peur de se dresser sur le chemin de la directrice de Beauregard, Sophie s’était décidée à la convoquer afin de voir ce qui pouvait être fait. Elle espérait notamment pouvoir obtenir de plus amples informations de cette personne afin de confronter le consul avec ce qui se passait dans l’académie Beauxbâtons et révéler à la classe politique l’étendue des dégâts de sa politique et surtout le risque que cela représentait pour toute la société sorcière. C’est pourquoi elle n’avait pas longuement hésité à convoquer Jenna Tillier.

En revanche, avant de se lancer dans cette direction, elle s’était renseignée auprès de Goulven, ami de longue date et qui fréquentait Irmine, la bibliothécaire de l’Académie que Sophie n’avait encore jamais rencontrée, afin de savoir s’il connaissait Jenna. Sa réaction, vague et teintée d’embarras, avait éveillé la curiosité de la jeune femme et c’est avec une certaine impatience qu’elle attendait l’arrivée prochaine de la professeur.

Nathalie, la secrétaire de Sophie, était avertie de l’arrivée de Jenna et si elle avait l’habitude des entrées fracassantes de politiciens mécontents du comportement de Sophie, dont les positions pro-hybrides en dérangeaient plus d’un, elle ne s’était pas attendue à une arrivée aussi tonitruante de la part de Jenna, Sophie lui ayant expliqué à quel point elle avait hâte de la rencontrer. Interloquée, elle se demanda si la personne en face d’elle était bien celle attendue par Sophie. Elle la regarda avec de grands yeux ronds, mais, en grande professionnelle, elle sut faire preuve de calme et de sang-froid.
- Je vous en prie, Madame, gardez votre calme, dit-elle sur un ton parfaitement posé. Si vous venez ici en pensant que l’on vous a traitée de criminelle, c’est que vous vous êtes trompée de service… Pourrai-je voir votre convocation ?

Nathalie haussa un sourcil lorsqu’elle prit le papier complètement chiffonné que Jenna lui tendit. Elle le défroissa d’un coup de sa baguette magique et put ainsi s’apercevoir qu’elle était bien celle attendue par Sophie. Elle pinça les lèvres mais ne fit aucun commentaire et demanda à Jenna de patienter avant de toquer à la porte de la sénatrice pour lui annoncer l’arrivée de la professeur de Beauxbâtons.

Garder son calme, garder son calme… Non mais pour qui elle se prenait celle-là pour lui demander de se calmer ! De une, Jenna faisait bien ce qu’elle voulait, et ce n’était pas une personne travaillant pour ce gros tordu de Consul qui allait lui dicter sa conduite, même ici ! De deux, elle avait toutes les raisons du monde, du moins à ses yeux, d’être hors d’elle. Ce n’était pas la première fois que ce service du Grand Conseil lui envoyait du courrier, et cela n’avait jamais été pour l’inviter à boire le thé ! Alors non, non et non elle n’allait pas se calmer du tout.

Malgré tout, la jeune professeure finit par fermer sa boîte à vociférations et plissa les yeux, bras croisés contre sa poitrine pour se donner l’air menaçante. Son interlocutrice sembla se remettre rapidement de la surprise qu’elle avait causée en entrant et lui demanda calmement et poliment de lui confier le courrier diffament pour vérification. Jenna ne se fit pas prier et attendit que la jeune femme en face d’elle lise le document en montrant ouvertement son impatience, c’est-à-dire en tapant bruyamment du pied. Mais aucune explication ne lui fut délivrée. À la place, Jenna regarda la jeune femme se lever en douceur avant de se diriger vers une porte derrière elle.

« Hé ! Vous faites quoi là ? »

Sur la défensive, Jenna s’élança derrière la secrétaire tandis qu’elle entrouvrait la porte pour annoncer l’arrivée de la visiteuse.

« C’est là qu’on me reproche un truc ? »

Ne prenant pas la peine d’attendre la moindre réponse ni même une invitation à entrer, Jenna s’arrêta au niveau de Nathalie et poussa la porte pour l’ouvrir complètement sans écouter les protestations de l’employée. La meilleure stratégie de défense restait l’attaque dans l’esprit de la jeune femme. Ça lui avait toujours été utile face à ses frères lorsqu’elle était jeune et elle s’en servait encore contre sa mère lorsque cette dernière soulevait des sujets délicats.

« Mais qu’est-ce que… » bégaya-t-elle en tombant sur le visage de l’occupant du bureau qu’elle venait de forcer.

L’expression de son visage passa de furieux à interloqué en une fraction de seconde et elle dut se faire violence pour forcer sa bouche à se refermer et reprendre un peu de contenance.

« Vous êtes qui vous ? Et qu’est-ce que vous me voulez ? » finit-elle par articuler en la pointant du doigt.

Si Irmine la voyait, elle en aurait sûrement des sueurs froides et certainement un peu honte aussi.

Sophie était assise derrière son bureau, corrigeant les dispositions d'un projet de loi actuellement discuté au sein de son département, en attendant l'arrivée prochaine de Jenna. Des éclats de voix la firent lever le nez de son parchemin tandis que son boursouflet Bulle, qui dormait jusqu'à présent dans son petit panier installé à côté d'elle, se réveillait en sursaut et émettait un petit couinement.

Sophie fronça les sourcils tout en posant sa plume. Elle ne pouvait s'imaginer que les éclats de voix provenaient d'une Jenna scandalisée d'avoir été convoquée, dès lors que les intentions de la jeune sénatrice étaient tout ce qu'il y avait de plus amical. La jeune femme pensa plutôt qu'il s'agissait de Madeleine, une conseillère de son département que Sophie avait remise à sa place lors d'un groupe de travail plus tôt dans la journée. Elle n'eut cependant pas le temps de se poser davantage de questions que déjà Jenna entrait en trombe dans son bureau, seulement annoncée par quelques coups frappés à la porte par Nathalie.

La sénatrice s'était levée par réflexe et dévisagea la femme devant elle avec un air franchement surpris. Elle n'eut pas le temps de répondre à sa question que déjà Nathalie était entrée :
- Madame la sénatrice ! Je suis vraiment désolée, Madame Tillier...

- Ce n'est pas grave, Nathalie, la coupa-t-elle. Veuillez refermer la porte derrière vous.

Sophie n'était pas du genre à rester déstabilisée par les entrées tonitruantes de personnes dans son bureau. Ce n'était, en effet, pas la première fois que cela lui arrivait et cela ne serait certainement pas la dernière. Aussi, la surprise passée, la jeune femme reprenait le contrôle de la situation. Son assistante jeta un regard noir à Jenna, mais sortit sans rien ajouter et ferma la porte derrière elle, ainsi que Sophie le lui avait demandé.

Cette dernière adressa un sourire à Jenna et contourna le bureau pour aller la saluer en lui tendant la main :
- Merci professeur Tillier d'avoir accepté de venir me rencontrer. Je suis Sophie de Châteauvert, sénatrice au Département du Contrôle des Objets et Trafics illicites.

Voyant que la jeune femme était peu encline à lui serrer la main, Sophie désigna les fauteuils installés dans une partie de son bureau d'un geste du bras pour l'inviter à s'asseoir. Elle-même s'y dirigea et prit place dans l'un d'entre eux.
- Professeur Tillier, je vous en prie, prenez donc place. Est-ce qu'une tasse de thé vous ferait plaisir ?

Elle voyait bien que son interlocutrice n'était pas dans les meilleures dispositions pour discuter. Soit elle continuerait de l'attaquer, soit elle se mettrait sur la défensive. Dans un cas comme dans l'autre, Sophie décida de jouer la carte de la sérénité et de l'appâter avec de la nourriture, usant ainsi d'un stratagème qui marchait sur la plupart des gens. La jeune femme n'attendit donc pas la réponse de Jenna et fit apparaître d'un coup de baguette magique une théière et deux tasses, ainsi que plusieurs assiettes avec des gâteaux et friandises aussi différents qu'alléchants.

Si Jenna n’avait pas été aussi concentrée à dévisager la sénatrice toujours assise en face d’elle, peut-être aurait-elle relevé le regard noir lancé par la secrétaire qu’elle avait incendié en arrivant. Mais non, toute son attention était tournée vers cette jeune femme qui ne devait pas être beaucoup plus jeune qu’elle et qui pourtant occupait déjà un poste important au sein du Grand Conseil. Si elle ne gérait pas le département que la jeune professeure exécrait le plus au monde, sans doute aurait-elle applaudi ou sifflé pour montrer à quel point elle était impressionnée mais pas là. Là, elle était furieuse parce qu’elle était persuadée d’avoir fait vachement gaffe à ne pas laisser filtrer la moindre information pouvant laisser entrevoir qu’elle traficotait encore des objets moldus pour les rendre un peu, mais alors juste un peu dangereux pour une certaine personne de son entourage. Ça ne pouvait être que l’œuvre de la Béné, cette sale mégère frustrée lui en voulait depuis l’incendie des bouquins. Enfin, elle en voulait à tout le monde mais Jenna était persuadée que cette fois-ci, c’était de la faute de cette incompétente.

Un mouvement devant elle indiqua à la petite rousse que la sénatrice quittait son bureau pour s’approcher d’elle et elle ne put se retenir de se crisper en la voyant tendre la main devant elle pour l’inviter à la saisir. Non mais pour qui elle se prenait celle-là ? Elle s’imaginait réellement que Jenna allait coopérer et rendre les armes si facilement. Il ne fallait pas la prendre pour un jambon ! Au lieu de ça, elle pinça les lèvres, fronça les sourcils et ramena ses bras contre elle, croisant ses bras sur sa poitrine. D’accord, c’est vrai, elle ne pouvait pas se montrer plus impolie. En fait si, elle aurait aussi pu cracher par terre à côté de la jeune femme mais on n’était pas dans un western non plus ! Mais contrairement à ce qu’elle avait imaginé, son interlocutrice ne sembla pas se vexer et changea de tactique en l’invitant à s’asseoir dans un fauteuil, invoquant une théière et des petits biscuits pour rendre l’échange plus agréable.

« Je préférerai que vous en veniez plutôt au fait ! Pourquoi vous m’avez fait v’nir ici ? On vous a dit quelque chose ? Si c’est la De Beauregard qui m’accuse d’un truc illégal, sachez que je fais plus ça depuis la dernière fois… J’ai compris la leçon. »

Méfiante, elle s’approcha tout de même de la jeune femme et se laissa tomber dans un fauteuil face à elle.

Sophie attendait patiemment que Jenna vienne à sa rencontre. Elle ne se départit pas de son sourire amical tandis que la professeur de Beauxbâtons lui indiqua préférer savoir pourquoi elle était là plutôt que de prendre une tasse de thé. La sénatrice fut toutefois surprise par la remarque de la sorcière, faisant état de ce qu'elle avait arrêté de faire des choses illégales. Sophie se garda bien d'afficher son étonnement, mais nota mentalement cette indication.
- Si cela peut vous rassurer, vous n'êtes pas là parce que Madame de Beauregard vous aurait dénoncé pour l'activité illégale à laquelle vous affirmez avoir toutefois renoncé, annonça-t-elle. Néanmoins, je ne saurais vous affirmer que votre présence ici n'a rien à voir avec elle.

Elle eut un petit sourire en coin et s'empara d'un macaron qu'elle mangea tranquillement, laissant sciemment le silence s'installer entre elles.
- Professeur Tillier, reprit-elle, croyez-moi, si vous aviez été dénoncée par votre supérieure pour une activité illégale, ce n'est pas dans mon bureau que vous vous trouveriez maintenant.

Elle ancra son regard dans celui de la sorcière et appuya ses propos par un sourire de circonstance.
- Cela étant dit, je conviens que mes propos ne vous éclairent aucunement sur les raisons qui m'ont conduite à vous faire venir jusqu'ici.

Elle marqua une nouvelle pause et prit une assiette garnie de mini pâtisseries qu'elle présenta à Jenna :
- Un éclair ?

Jenna scruta la Sénatrice qui s’installait dans un fauteuil autour d’une petite table garnie de bonnes choses. Sa gourmandise avait beau la contraindre à bien des compromis, la jeune femme se garda bien d’aller rejoindre son interlocutrice, se méfiant encore beaucoup trop de ce qui lui pendait au nez. Mais contrairement aux nombreuses idées qu’elle s’était faite depuis la réception de sa convocation, il semblait que sa présence au sein du ministère n’avait rien à voir avec une potentielle sanction. Cette nouvelle aurait pu la rassurer si la Sénatrice n’avait pas conclu sa phrase en indiquant que la directrice De Beauregard était d’un certain point lié à sa présence ici. Voilà ! Elle le savait que l’autre avait encore ouvert sa bouche pour lui causer des emmerdes… Il fallait dire que depuis qu’elle était en poste à la tête de BeauxBâtons, Jenna n’en avait jamais eu autant. Surtout depuis qu’elle avait ouvert sa gueule devant toute l’école pour la rabaisser devant son stupide bûcher.

La voix de la Sénatrice la rappela à l’ordre et elle calma ses ruminements grincheux pour écouter la suite. Elle dût se faire violence pour ne pas protester bruyamment sur le fait qu’elle ne connaissait pas dans les moindres détails les mœurs du Grand Conseil lorsqu’il s’agit de punir les honnêtes gens comme elle. La dernière fois qu’elle s’était fait taper sur les doigts à cause de ce sortilège d’aide au transplanage dans les zones interdites bricolé comme une application téléphone, elle était complètement saoule et ne se rappelait pas grand-chose entre le moment à elle était parvenu à grimper sur cette licorne et celui où elle s’était retrouvé devant l’ancien Sénateur qui avait tenu à lui faire la morale sur son attitude irresponsable. Mais bon… C’était une autre époque… plus… clémente peut être.

« Pas vraiment non… » marmonna-t-elle en se laissant glisser dans un fauteuil en face de la sorcière. « Et si ça peut vous consoler… Vous êtes toujours pas plus claire maintenant ! »

Avachie contre le dossier du fauteuil, les bras croisés contre sa poitrine, Jenna fixait Sophie en se mordillant l’intérieur de la bouche pour se retenir de dire des choses qui pourrait lui causer des ennuis. Elle regarda une fraction de seconde le plateau de la Sénatrice lui présentation, louchant sur les choux terriblement crémeux mais secoua la tête pour refuser ce qu’on lui proposait.

« Qu’est-ce que je fais là si j’ai rien fait de répréhensible ? »

Jenna ne faisait aucun effort pour dissimuler la méfiance que lui inspirait Sophie, mais cela ne gênait pas la jeune sénatrice, bien au contraire. En effet, avec les hypocrites qui peuplaient le Grand Conseil, Sophie avait dû apprendre à pondérer chacun de ses mots et à formuler ses questions de sorte à déceler les véritables intentions et opinions de ses interlocuteurs, mais sans trop en dévoiler des siennes. Ce jeu politique, auquel elle était maintenant rôdée, la fatiguait toutefois parfois. Ainsi, discuter avec une personne dont les émotions se lisaient sur son visage comme dans un livre ouvert avait un côté à la fois rafraîchissant et reposant. Déjà en position de force du fait qu’elle était celle ayant convoqué cet entretien, Sophie se sentait encore plus à l’aise face à Jenna, qui n’était visiblement pas habituée, contrairement à elle, à cacher son jeu et à ne révéler ses cartes que le moment venu. Néanmoins, Sophie n’avait pas l’intention de rendre Jenna plus mal à l’aise qu’elle ne l’était déjà et si Jenna était franche et directe, Sophie le serait avec elle également. Ce serait plus simple pour tout le monde.

Elle eut un petit sourire alors que Jenna lui faisait remarquer qu’elle n’était toujours pas très claire sur les raisons qui l’avaient conduite à la faire venir ici. Sophie reposa tranquillement l’assiette de mignardises sucrées que la professeur avait déclinées et se cala contre le dossier de son fauteuil avant d’ancrer son regard dans celui de la jeune femme.
- Je vois que vous êtes une femme directe, Jenna. En ce cas, permettez-moi de l’être tout autant avec vous. Si je vous ai fait venir ici, c’est pour parler avec vous de la situation à l’Académie Beauxbâtons.

Elle marqua une pause et croisa les mains sur ses cuisses. Affichant un air beaucoup plus sérieux de circonstance, elle aborda directement le fond du problème qui la préoccupait :
- Une source interne m’a fait part d’événements qui s’y sont produits, mais que la directrice s’est bien gardée de révéler au monde extérieur… et ce sont des événements qui, en tant que sénatrice pro-hybride, m’inquiètent tout particulièrement.

Elle ajouta :
- Vous n’avez rien à craindre de moi, Jenna. Je pense que nous pouvons nous considérer comme faisant partie du même camp, vous et moi.